Jwles, des bas-fonds à la prophétie !

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Jwles (@shahjwles), à ne pas confondre avec son presque homonyme marseillais, est un nouvel alien sur la scène rap française. Un artiste aux contours plutôt flous d’abord, c’est sa marque de fabrique. Obscur, incompréhensible de prime abord, le style du rappeur natif de Paris s’est parfait au fil des saisons jusqu’à trouver l’acmé grâce à la sainte DMV qui est en train de percer, progressivement, le rap français.

Connecté, curieux et cultivé, l’artiste de 27 ans a d’abord commencé avec un collectif : LTR worldwide, composé d’artistes peintres, de compositeurs et d’interprètes. Il sévit depuis 2015 et prend peu à peu de l’ampleur au sein de la nouvelle génération du rap hexagonal.

Rapidement, l’image et le visuel se sont cadrés autour d’une base plutôt occulte à base de shit triple filtré, vidéos tournés en VHS dans les rues grises de Saint-Denis où le cafard est sublimé pour rendre cet univers photogénique. L’effet underground est poussé au maximum dans le visuel comme dans les costumes : jogging large (voire pantalon de ski, cf le titre éponyme), monogramme gucci, grosses paires d’air max 95, des manoirs abandonnés, la rue bien sale et des tentes qui rappellent l’enfer du 18e. Jwles a une vision large depuis les tréfonds de la banlieue parisienne, et ses références vont bien au-delà du simple street-trash évoqué jusqu’ici.

La force de ses lyrics est réelle, car il la puise tant dans des paroles proches du trolling que dans de vraies réflexions jetées ici et là quant à l’état de notre société déstructurée.

“Avant il collait des affiches pour le FN, maintenant il parle avec le ministre sur BFM … bien sûr que les soucis existaient avant BLM” (Pantalon De Ski)

Au-delà du fond et de l’image, d’un point de vue purement auditif, la DMV est simplement parfaite pour lui. Ce style de pose cadencé en décalage de la prod, et la particularité qu’il a de quasiment chuchoter pour souffler ses paroles, collent totalement à son univers, sa technique, et son personnage. La nouvelle tendance de fond que le rap français connaît depuis 2 ans via notamment des rappeurs comme Serane, 8Ruki ou Dirtyiceboyz, lui sied à merveille.

Islamabad est la photographie parfaite de cette aisance qu’il a pour découper la prod, réalisé par le très réputé Nutso Thugn (producteur américain avec lequel il a réalisé une mini-tape de 4 titres “Le Zin et Nutso). Dans sa manière de placer, Jwles n’insiste jamais, tout en monotonie. Une fainéantise agrémentée d’hallucinations, de salades, d’attentats et de schizophrénie, au cas où le message n’était pas suffisamment clair: la dernière couronne de Paris, c’est parfois dure et crue.

Mais Jwles en a davantage dans son répertoire, preuve en est avec “Batman & Robin” sorti en mai 2021. Sur une instru cadencée typique de ce qui se fait à Detroit, le “Zin” montre une énergie nouvelle en featuring avec Le Lij. Il en profite pour faire rimer Chopin et Kurt Cobin, et rappeler la multiplicité de ses références musicales. C’est le début d’un nouveau mode pour Jwles, l’exploration de préceptes des anciens qui accouche début juillet d’une flopée de sons marqués funk comme l’entraînant “Joe Da Zin” qui a cassé son Spotify en 1 mois avec plus de 100.000 écoutes ou encore le freestyle dans la même veine, Mickael jackzin sorti sur Soundcloud peu après le tube précédemment cité. A noter, la collaboration avec Mad Rey du prestigieux label de musique électronique Ed Banger.

La polyvalence et l’audace de Jwles sont remarquables. Issu d’une scène underground et de soundcloud, l’artiste a su en tirer la quintessence sans se dénaturer ni même faire comme les autres. Oui, il a repris le flow en vogue qui consiste à poser juste ce qu’il faut décalé de l’instrumentale sur un ton monotone; pourtant son talent artistique se trouve justement dans la faculté à rapper ainsi en conservant sa propre identité tout en innovant et explorant musicalement.

S’il cherche encore clairement la recette qui le fera décoller, Jwles est déjà entouré d’un bel engouement. Mérité, la suite lui apportera les chiffres à terme ou pas. Mais le rappeur a déjà posé son empreinte et gagné le respect d’un grand nombre d’amateurs du rap, de la musique, et l’underground française. Alors, comme son look l’indique sera-t-il le prophète de la nouvelle vague du cloud ? Possible, pour l’heure il navigue entre Islamabad et Bethléem.

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Rédigé par Allan Machado (@mariomathusalem) – Photo de couverture par Gaspard (@cavabarder_)

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